La plupart des personnes l’oublient trop souvent mais l’absence d’autorisation d’urbanisme pour la réalisation d’un projet (Article L. 480-4 du Code de l’urbanisme) ou encore la méconnaissance des règles d’urbanisme opposables à ces projets (Article L. 610-1 du Code de l’urbanisme) constituent des infractions pénales.
Dans ce cas précis, le Maire est normalement tenu, en sa qualité d’officier de police judiciaire, de dresser procès-verbal d’infraction (Article L. 480-1 du Code de l’urbanisme). Le délai de prescription en la matière est de 6 ans à compter de la réalisation de l’infraction (Article 8 du Code de procédure pénale). Ce délai s’applique d’ailleurs aussi, comme le juge l’a récemment précisé, concernant les mesures alternatives aux poursuites, de mise en demeure notamment, issues de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme (Conseil d’Etat, Avis, 24 juillet 2025, n°503768).
En pratique, il n’est pas rare que les différentes infractions ne fassent pas l’objet d’un procès-verbal d’infraction. Cela s’explique par de nombreux facteurs.
Pour autant, tout le monde a en tête le cas d’un voisin qui décide de créer une ouverture sur sa façade sans autorisation ou d’un autre qui réalise une annexe en limite de propriété en méconnaissance des dispositions d’urbanisme applicables.
Si certains administrés sont prêts à laisser couler, d’autres en revanche choisissent de ne pas rester inactifs.
A ce titre, il est possible de demander au Maire de dresser procès-verbal d’infraction au titre de ses pouvoirs de police de l’urbanisme.
En cas de refus ou d’absence de réponse dans le délai de deux mois, sa décision peut alors être critiquée devant le juge administratif.
Dans l’avis commenté, c’était précisément l’objet du litige. Seulement, deux questions restaient en suspens et étaient soumises à l’appréciation du Conseil d’Etat, à savoir :
- A quelle date le juge doit-il apprécier la légalité de la décision du Maire de ne pas dresser procès-verbal d’infraction ?
Cette première question a été facilement évacuée dès lors que la circonstance que l’infraction ait été régularisée à la date à laquelle le juge statue est sans incidence sur la réalité de l’infraction.
En effet, l’infraction s’apprécie à la date de sa réalisation et ne disparait pas en cas de régularisation même si cela est évidemment à même d’avoir une incidence dans l’esprit du juge pénal et de peser dans l’opportunité des poursuites ou encore de minorer la condamnation retenue en cas de poursuites.
C’est donc à la date de l’infraction que la légalité de la décision du Maire doit s’apprécier.
- En cas d’annulation de la décision, est-ce que le juge peut enjoindre au Maire de dresser procès-verbal d’infraction ?
La réponse apportée par le juge est ici beaucoup plus problématique.
En effet, le juge considère que si l’infraction est prescrite à la date à laquelle il statue, il ne lui incombe pas d’enjoindre au Maire de dresser procès-verbal d’infraction :
« 5. Lorsque le juge administratif annule une telle décision de refus au motif qu’une infraction mentionnée à l’article L. 480-4 était caractérisée à la date de ce refus, il lui incombe en principe d’enjoindre au maire de faire dresser procès-verbal de cette infraction et d’en transmettre une copie au ministère public. Il en va cependant différemment lorsque l’action publique est prescrite à la date à laquelle le juge statue ».
Si cette position peut se comprendre au regard de l’effet utile de la mesure d’injonction, elle est terrible en pratique pour le justiciable qui a dénoncé les faits au Maire.
Actuellement, le délai de jugement moyen devant un Tribunal administratif étant d’environ 3 ans.
En pratique, il ne sera donc certainement pas rare que des infractions bien que non prescrites à la date du recours se retrouvent prescrites par l’effet du temps et de la longueur des procédures administratives.
On aurait pourtant pu s’interroger sur l’existence d’un acte interruptif/suspensif de prescription du fait de la demande adressée au Maire.
Il n’en demeure pas moins qu’en l’état, cette décision vient réduire encore plus l’effet utile de la police de l’urbanisme.
Les justiciables n’en seront pas pour autant démunis et des outils semblent rester disponibles, comme la procédure de référé par exemple. Pour autant, l’accompagnement d’un professionnel du droit apparait d’autant plus important.

